Blacklist – ou comment se brouiller avec tout le monde quand on fait de la recherche sérieuse

Et boum! Ca n’a pas manqué. Quelques jours après la mise en ligne du dossier Sagascience/CNRS sur le nucléaire, les réactions affluent. La dernière – et pas la moins virulente – vient d’une association, l’Observatoire du Nucléaire, qui accuse le CNRS de « tromperie ». A la lecture du communiqué de presse, je ne peux pas m’empêcher de repenser à la formule de F.: « je sais que je fais de la bonne recherche quand je suis sur la liste noire des pro ET des anti. » Là, en l’occurence, il s’agit d’un dossier grand public, pas d’un papier de recherche. Mais je reste médusé devant la violence des formulations, qui pour beaucoup, sont imprécises, partisanes voire carrément fausses. Un exemple. Il n’est pas possible de connaître officiellement la provenance de l’uranium utilisé en France (si je me trompe, chère hypothétique lectice, cher hypothétique lecteur, merci de me le faire savoir). Seule exception: suite au documentaire de Laure Noualhat (Déchets, le cauchemar du nucléaire), une commission parlementaire a demandé et obtenu d’avoir les chiffres pour 2008. Voici à quoi ressemble la carte (© votre serviteur):

Carte_Minerai_Conversion_OK

Sur la carte, le Niger est le deuxième fournisseur de la France. Mais le premier est le Canada et il y a fort à parier que depuis, le Kazakhstan a pris sa place… On n’est pas tout à fait ici dans ce que décrit l’article: « Le CNRS met ensuite en avant, pour justifier l’option nucléaire, « la diversité géographique et politique des pays producteurs d’uranium », oubliant délibérément que, depuis 40 ans, la France utilise prioritairement l’uranium du Niger qu’elle s’accapare à un tarif dérisoire grâce à une véritable politique néocoloniale ».

Je vois dans cet exemple une illustration de la difficulté qu’il y a à faire de le recherche en sciences sociales sur le nucléaire: nous ne pouvons jamais nous permettre d’avancer quelque chose qui ne serait pas infiniment pesé, abouti, assis sur des faits indubitables. A contrario, d’un côté comme de l’autre, on arrive assez bien à s’abstraire des faits, des références, des preuves quand on parle du nucléaire en société. Tout cela nous rend très impopulaires, du côté des pro- comme du côté des antinucléaires. Et vraiment très suspects.