Les cachotteries d’HAL-TEL

J’ai eu une surprise en début de semaine. J’ai déposé en décembre 2006 ma thèse sur le site Thèses en Ligne (TEL) du CNRS, qui est un sous-service de Hyper-Archives en Ligne (HAL). Ce service m’avait été indiqué par des collègues. Il permet la diffusion de documents scientifiques : preprints d’articles, notes de cours, mémentos techniques, et donc, thèses.

Depuis fin 2006, ma thèse a été téléchargée plus de 200 fois. Le chiffre me laisse pantois. J’ai d’ailleurs parfois quelques surprises (par exemple, être cité dans … le bulletin de la section du Parti Socialiste de l’Ecole normale supérieure… Jaurès, l’environnement, les patrons voyous, tout ça… J’en rosis de confusion).

Incontestablement, TEL permet une bonne diffusion, mais finalement pas différente de celle qu’autorise un site personnel. L’avantage principal est la gratuité (il n’y a pas de frais d’enregistrement et la bande passante est prise en charge par le CNRS), et si on veut, la stabilité de la plateforme. Après mes mésaventures d’hébergeur, c’est un paramètre qui compte.
Mais cette stabilité a un prix : il est impossible à un auteur de retirer le document qu’il a déposé de la base ! Selon les mots charmants du support de HAL : « Le retrait est clairement indiqué comme impossible. » On pourrait imaginer d’autres circonstances beaucoup plus gênantes, par exemple, un article fautif que l’auteur voudrait retirer… Hé bé, pas possible… selon le support du site…

Cette position ne tiendrait probablement pas devant le tribunal d’instance, la clause de non-réversibilité de l’autorisation de diffusion d’un document paraissant abusive et surtout, très mal indiquée. Il me semble que le site gagnerait à être beaucoup plus explicite sur les contraintes qui régissent son usage. Avec le développement des sites personnels et des sites relationnels (type Facebook), et la baisse constante du coût du stockage et de la bande passante, il y a fort à parier que des alternatives plus souples peuvent se développer.

Attendu que l’exhaure de la mine de pechblende était défaillante…

On ne rend pas assez hommage aux Québécois. J’ai la plus grande sympathie pour ce pays, qui a la classe de mettre sur Internet un outil lexicologique spectaculaire, j’ai nommé le Grand dictionnaire terminologique, qui commence là où le Robert et Collins s’arrête (il faudrait d’ailleurs que le Robert et Collins s’arrête avant, en fait, parce que d’après les réactions que j’ai suscitées en utilisant des tournures pompées dans le dictionnaire, tout n’est pas à jour dans le gros livre bleu. Visiblement, certains jours, je parle comme une grand’mère de Cornouailles). Le GDT ne pose pas ces problèmes : c’est essentiellement un lexique trilingue à vocation technique. Il propose la traduction de termes techniques qui seraient autrement extrêmement difficiles à trouver. Je m’en sers quotidiennement. Par exemple, pour trouver la traduction en anglais de mots comme « considérants », « taux de coupure », « exhaure », « pechblende », ce genre de choses… La variété des domaines abordés est spectaculaire. Mais alors, pourquoi trilingue? Parce qu’outre le français et l’anglais, il y aussi le latin. Pour les noms de plante et d’animaux. Vous saviez, vous, que « caribou des bois » se dit « Rangifer tarandus caribou » en latin? J’ai aussi essayé pour les muscles du corps mais ça ne marche pas… Ca m’aurait intéressé de savoir dire « brachoradialis » en français ou « creux poplité » en latin. Dans la version 2.0, peut-être?

Machine à PIGs

Mon appareil numérique, un vénérable Canon Powershot A75, m’a lâché. Il a décidé de faire de toutes les photos des Jackson Pollock… Je suis donc en train de réfléchir à son remplaçant, ce qui ouvre un passionnant débat : quel est le meilleur appareil à PIGs ?
Répondre à la question suppose d’abord de repartir d’une définition de la PIG. J’admets que ma définition est floue, mais c’est un flou de bon aloi. Les formateurs de l’académie d’Orléans-Tours n’ont pas mes pudeurs de jeune fille et affirment que « l’image géographique montre un paysage dans un espace plus où moins vaste » (sic). OK, ami formateur. Disons que pour l’instant, c’est une définition heuristique. Je retiens que le paysage, plus ou moins ample, est un élément déterminant de l’image géographique. Donc, quelle est la meilleure manière de photographier un paysage ?

1. L’objectif

D’après mes lectures récentes, il faut utiliser un objectif « grand angle », qui possède un large champ de vision. Pour la PIG, un gros zoom phallique ne sera donc pas nécessaire : mieux vaudra un objectif qui permette de photographier une vaste portion du paysage sans distorsion excessive. On s’arrêtera donc, dans la course à la petite focale, avant les objectifs dits « fish eye » qui déforment les lignes droites. Et puis, une des caractéristiques les plus intéressantes de la photo numérique est la possibilité de créer, a posteriori, des panoramas (avec quelques problèmes d’harmonisation des couleurs sur lesquels je reviendrai dans un autre post). Cela serait bien plus difficile avec le produit d’un « fish eye », vu que rien ne serait droit… Bon, donc, objectif grand angle mais pas « fish eye ». Allons-y pour une focale minimale de 18 mm.

2. Le scénario de prise de vue

Deuxième aspect à considérer : le scénario de prise de vue. La PIG est-elle spontanée, prise « sur le vif » ou est-elle davantage une photo posée ? De cette considération découle un paramètre important : la taille de l’appareil. Si la PIG est improvisée, il faut se balader en permanence avec l’appareil autour du cou ou bien il faut qu’il soit suffisamment petit pour être glissé dans une poche pour en jaillir en cas de situation PIG-esque. Un peu comme un appareil photo intégré à un téléphone portable. Je soupçonne d’ailleurs certains enseignants fameux d’utiliser cette solution pour faire des photos sur le lieu de travail (ou DE leur lieu de travail)… Il me semble quand même que la PIG est davantage une photo « statique » qu’un cliché pris sur le vif. La PIG devrait rendre une certaine inertie de l’espace… donc, permet d’utiliser un appareil qui n’est pas tout petit (ce qui permet aussi d’avoir une meilleure qualité d’image et un vrai viseur). Donc ou un bridge ou un réflex numérique. Petit tour d’horizon… Les bridges sont un peu gadgétoïdes … Après lecture des commentaires de ceux qui savent, je retiens des réflex numériques d’entrée de gamme : Sony Alpha A200, Canon D400, Nikon D40x, Olympus E510 et Pentax K200D. Le gros avantage, c’est la possibilité de changer d’optique.

3. Mais où se situe la PIG ?

Troisième paramètre : les lieux de prise de vue. Si certains projets se concrétisent, je devrais cette année me retrouver dans des lieux passablement désertiques (moult poussière, sable, etc…) mais je n’oublie pas non plus que j’habite dans un endroit peu avare de précipitations. Je jette donc un œil sur les appareils « tropicalisés » (construits de manière à résister à des environnements moins amènes qu’une grande ville)…Et là, tout se dépeuple : dans une gamme de prix raisonnable, il n’en reste qu’un, le Pentax K200D. Canon et Nikon ont en outre le désavantage de n’être pas stabilisés (seules leurs optiques le sont, ce qui veut dire qu’elles ne sont pas données). Le petit Olympus a un facteur de conversion défavorable (ce qui veut dire qu’il est moins grand angle que les autres) et les optiques sont chères… Quant au Sony (qui est en fait un Minolta), l’objectif livré avec (18-70 mm) semble avoir mauvaise réputation.

Maintenant, la partie vraiment drôle : débarquer chez Jessops pour tenter de négocier le prix (£450) à la baisse… C’est ça aussi le bon côté des périodes de crise économique…

Unmistakeably German

Citroën lance ces jours ci en Angleterre sa nouvelle berline, la C5. La campagne de publicité convoque, en s’en moquant, l’imaginaire géographique lié aux voitures de qualité. Le slogan est imparable : « New Citroën C5. Unmistakeably German. Made in France.» La vidéo de la pub met en scène une espèce d’aristocrate en culotte de peau dans une Bavière suprakitsch (la seule entorse aux clichés géographiques, c’est que le gusse boit une grande pinte de LAIT avec ses Wurst, histoire de ne pas être accusé de drink and drive). Il n’a pas un regard pour la blonde serveuse Gudrun – il jette des œillades énamourées à sa voiture. La pub se termine bien sûr devant la porte de Brandebourg.

L’idée est originale : pas une seule personne en Angleterre ne peut ignorer que Citroën est as French as it gets. Dans l’automobile, les stéréotypes ont la vie dure et un des enjeux pour les marques généralistes est de parvenir à se hisser au niveau dit « premium », où leur réputation leur permettra de vendre leurs produits un rien plus cher. Exemples de marques « premium » ? Volvo, Alfa-Romeo et dans une moindre mesure, Volkswagen et Toyota. Plus on monte en gamme, plus l’effet premium est marqué. Structurellement, une Nissan Z et une Porsche Cayman ne sont pas très différentes. Mais l’une se vend aux environ de €35000 tandis que l’autre commence gentiment à €50000. Les marques allemandes sont par excellence des marques premium et en Angleterre, elles bénéficient d’un préjugé très favorable. Ca a des conséquences sur leur valeur en occasion (où les voitures françaises se décotent davantage et plus vite).

L’enjeu pour Citroën est de faire de sa berline une berline premium – flatteuse pour le client et rassurante pour les gestionnaires de flottes professionnelles (la voiture de fonction est beaucoup plus répandue en Angleterre qu’en France) et beaucoup plus profitable pour le constructeur. Une voiture ayant une bonne image n’aura pas besoin de remises pour se vendre. Le recours détourné aux clichés géographiques permet de développer un discours très économique, où « allemand » devient synonyme de « qualité ». Toyota s’était déjà essayé à la thématique « on dirait que c’est allemand » lors de la campagne de pub de la deuxième version de l’Avensis. Mais c’était pas humoristique du tout.

Les modes de communication autour des voitures restent plus étroitement liés aux caractéristiques culturelles des marchés que les véhicules eux-mêmes. Ce qui vaut pour les Anglais ne vaut pas partout du tout : sur d’autres marchés (Espagne par exemple), les spots de pub ne sont pas humoristiques et montrent la voiture en mouvement sur une musique virile mais correcte. La connotation attachée à français/allemand en matière de voitures n’y est pas la même. Je ne sais pas comment la voiture est vendue sur le marché français… Mais en gros, on serait tenté de dire que les projections des gens sur les voitures sont encore plus fortes que les préférences objectives, matérielles, en matière de véhicules.

Karl, arrête de bouger

Histoire de fourbir mes armes pour le plenum de la RGS en août et parce que, au risque de me répéter, « Britain is the home of the last Marxists », j’ai entrepris de lire le Capital. J’ai failli écrire relire, mais un vieux retour de culpabilité me contraint à l’honnêteté la plus nue. J’avais vaguement parcouru le début dans le cadre du séminaire de David Harvey à Baltimore. L’ex libris du début porte d’ailleurs la date de septembre 1996. C’est assez bizarre de penser que des livres vous suivent depuis plus de 10 ans, inertes. Je ne sais plus comment j’avais fait pour me procurer un exemplaire du Capital en français aux USA mais je trouvais ça délicieux de suivre un séminaire sur le Capital à Johns Hopkins (université blanche, conservatrice et riche s’il en est). Le livre m’était rapidement tombé des mains et le séminaire avait dès le début été frappé du syndrome « Et toi, Barbara, qu’est-ce que tu en penses? » qui stérilise l’enseignement en Amérique du Nord. Sur le Capital, je n’avais pas nécessairement envie d’entendre Barbara : j’aurais préféré entendre Harvey lui-même. Un séminaire, même participatif, doit être suffisamment dirigé. Le contage intellectuel est ce qui se fait de pire en enseignement. Et sur le Capital, Barbara n’avait pas grand chose à dire.

Curieusement, le livre me paraît moins ennuyeux qu’il y a dix ans. Je ne me souvenais pas que Marx était drôle. Je raffole des petites incises (et notamment du caractère pseudo-scientifique du mot « bourgeois »). La préface d’Althusser est assez touchante, rétrospectivement (« Marx est indispensable à tous, parce que sa méthode scientifique a ouvert le continent Histoire. »). Althusser donne un plan de lecture du livre (que j’ai d’ailleurs pris soin, cette fois, de ne pas suivre). Tiens, voilà un bon projet de résolution pour 2008 : en août, avoir fini le Capital et avoir des choses à dire dessus. Y’a interro le 28.

Homo economicus

Je n’ai pas encore réussi à faire installer Internet chez moi, ce qui explique ce silence assez prolongé. Etant donnée la complexité de l’offre en matière de haut débit, je me prends à penser que l’homo economicus doit au moins avoir un bac+12 s’il ne veut pas se faire plumer. Bref, ça devrait être résolu bientôt. En attendant, je mets une PIG de mon balcon, histoire de montrer au monde que les zones de reconquête urbaine ont un charme certain… Les ciels présentent toujours cet aspect bizarre, que je ne désespère pas de savoir un jour corriger.

Mon balcon!!

In other news, je regarde avec un grand intérêt le débat autour du prix de l’eau en France prendre de l’ampleur. On retrouve certains éléments présents lors de la crise de l’eau en Argentine et en particulier, la question de la régulation du secteur (c’est-à-dire le rôle de l’organisme public qui édicte les normes, autorise la hausse du prix de l’eau, établit les obligations des compagnies vis-à-vis des clients actuels et futurs, etc). Ce qu’il faut savoir, c’est que dans la littérature scientifique française, l’application de la délégation de service public en France est souvent vantée pour son exemplarité. C’est le « modèle français ». En France, Madame, on n’a pas besoin de régulation parce que nous ne sommes pas des sauvages. Entre les compagnies d’eau et les élus, c’est la confiance, le bonheur, l’harmonie. On ne va pas s’embarrasser de fonctionnaires tâtillons qui vont venir mettre le nez dans nos comptes! C’est l’HAR-MO-NIE, vous dis-je! Résultat : en France, nous n’avons pas de régulation des contrats de délégation ou même, plus généralement, du secteur de l’eau.

Ce que la crise actuelle met en évidence, c’est précisément le caractère complètement fantaisiste de ces affirmations. Des dents vont crisser si, comme l’annonce la presse, Paris et Marseille retournent complètement en régie directe pour la gestion de l’eau. Une régulation nationale (ou régionale, pourquoi pas?) permettrait de mettre à plat les assertions des uns et des autres. Et tiens, tant qu’à faire de l’échange d’expériences Nord-Sud, pourquoi ne pas regarder du côté du Chili comment la régulation des services d’eau a été mise en place?

Donc

Hé bé, Internet et ses surprises! Je n’étais pas au courant qu’un hébergeur de sites pouvait se volatiliser, surtout quand il est basé dans les Yvelines (les Yvelines, je ne sais pas pourquoi, ça inspire confiance). Résultat : pschittt, les posts d’avril à septembre. Cela dit, je ne pense pas que j’aurais eu le temps de véritablement alimenter le site, les derniers mois ayant été plutôt riches en évènements variés. Bref : je compte bien blogger plus souvent dorénavant, quelque chose me dit que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Dans l’immédiat, je suis en train de me demander combien de doigts vont être victimes de la frénésie artificière qui saisit mes hôtes anglais à la double faveur d’Halloween (qui a été conscieusement importé ici comme en France et qui semble, ici comme en France, retomber comme un vieux soufflé) et de Fawkes Night. Body count tomorrow, guys.