J’ai évoqué le 5 mars sur France Culture (ça fait chic) quelques aspects importants de la « gouvernance » de l’environnement en France.
Le terme est assez flou, mais renvoie, grosso modo, à la manière dont les politiques publiques sont conçues et appliquées, à la répartition des responsabilités entre les différents acteurs sociaux, etc. La question de l’eau, qui a été escamotée de manière spectaculaire lors du Grenelle de l’Environnement, fait partie de ces politiques superlatives (au sens où la ressource est littéralement corsetée de lois, de règlements, de chartes de bonnes pratiques, de principes pollueurs payeurs en pagaille) qui vont gaillardement dans le mur parce qu’elles négligent les rapports de pouvoir. Il est impossible de faire une politique environnementale qui ne soit pas une géopolitique. L’espèce de culture du consensus pour le consensus qui prévaut actuellement aboutit de facto à des déprédations environnementales ahurissantes.
Dans le cas de l’eau, la rumeur veut que l’eau ait fait l’objet d’une sorte de marché au Grenelle: les syndicats agricoles auraient obtenu un assourdissant silence sur la question en échange de concessions sur les OGM. En gros, on flingue le Monsanto machin truc mais tout le monde regarde ailleurs quand il s’agit d’évaluer les conséquences sur les ressources en eau des pratiques de la grande agriculture. Qu’on n’aille pas se méprendre : ce n’est pas la petite agriculture de montagne qui pose problème ou l’élevage à l’herbe (qui ne rapportent souvent pas grand-chose aux fermiers, d’ailleurs). C’est la grande céréaliculture, avide d’eau d’irrigation et de pesticides qui rejoignent ensuite allégrement les nappes. Comme j’en faisais état l’année dernière avant que la première version de ce blog ne disparaisse dans le néant cybernétique, Paris a été obligé de construire une usine « d’affinage » pour dépolluer l’eau de source que la ville utilisait jusque là sans traitement. Facture pour la construction : 38 millions d’euros.
Dans le Grenelle, les questions d’eau ont été abordées dans un sous-groupe du groupe de travail sur la biodiversité et n’ont fait l’objet que d’une annexe dans le rapport de synthèse. Mais quelle annexe ! Rédigé par le Ministère de l’Ecologie et les agences de l’Eau, le texte explique à quel point la politique actuelle est incapable de tenir les objectifs qui lui ont été fixées par la directive-cadre européenne sur l’eau (d’octobre 2000), repris et modifiés par les pouvoirs publics. C’est une lecture rafraichissante : voyez-vous-même (l’annexe se trouve entre les pages 42 et 56 du rapport).