Les cachotteries d’HAL-TEL

J’ai eu une surprise en début de semaine. J’ai déposé en décembre 2006 ma thèse sur le site Thèses en Ligne (TEL) du CNRS, qui est un sous-service de Hyper-Archives en Ligne (HAL). Ce service m’avait été indiqué par des collègues. Il permet la diffusion de documents scientifiques : preprints d’articles, notes de cours, mémentos techniques, et donc, thèses.

Depuis fin 2006, ma thèse a été téléchargée plus de 200 fois. Le chiffre me laisse pantois. J’ai d’ailleurs parfois quelques surprises (par exemple, être cité dans … le bulletin de la section du Parti Socialiste de l’Ecole normale supérieure… Jaurès, l’environnement, les patrons voyous, tout ça… J’en rosis de confusion).

Incontestablement, TEL permet une bonne diffusion, mais finalement pas différente de celle qu’autorise un site personnel. L’avantage principal est la gratuité (il n’y a pas de frais d’enregistrement et la bande passante est prise en charge par le CNRS), et si on veut, la stabilité de la plateforme. Après mes mésaventures d’hébergeur, c’est un paramètre qui compte.
Mais cette stabilité a un prix : il est impossible à un auteur de retirer le document qu’il a déposé de la base ! Selon les mots charmants du support de HAL : « Le retrait est clairement indiqué comme impossible. » On pourrait imaginer d’autres circonstances beaucoup plus gênantes, par exemple, un article fautif que l’auteur voudrait retirer… Hé bé, pas possible… selon le support du site…

Cette position ne tiendrait probablement pas devant le tribunal d’instance, la clause de non-réversibilité de l’autorisation de diffusion d’un document paraissant abusive et surtout, très mal indiquée. Il me semble que le site gagnerait à être beaucoup plus explicite sur les contraintes qui régissent son usage. Avec le développement des sites personnels et des sites relationnels (type Facebook), et la baisse constante du coût du stockage et de la bande passante, il y a fort à parier que des alternatives plus souples peuvent se développer.

Anatomie d’une catastrophe

Entre le 22 et le 28 juin 2007, le Yorkshire a été touché par des inondations catastrophiques. Sheffield n’a pas été épargnée. La ville s’est construite dans une vallée relativement profonde : si les quartiers d’habitation anciens se trouvent sur
les versants, les usines situées le long de la rivière ont pas mal dégusté. J’habite précisément dans une ancienne zone industrielle 19e siècle reconvertie, à 50 mètres de la rivière (mais au troisième étage). Magali vous dirait qu’en transformant ainsi des zones industrielles en zones d’habitation, on prend le risque qu’il y ait davantage de victimes en cas de crue. On augmente la vulnérabilité en modifiant l’usage du sol.
Pourtant, ce n’est pas ça qui retient l’attention ici… c’est plutôt l’aléa (c’est-à-dire les paramètres physiques de la catastrophe). Il y a bien entendu les paramètres climatiques. En quelques jours, aux environs du 25 juin, ce sont 269 mm d’eau (un mm d’eau= 1 litre par mètre carré) qui se sont abattus sur la ville. La moyenne pour le mois de juin est de 69 mm. Le mois de juin a été le mois plus humide à Sheffield depuis le début des relevés, en 1887 (voir le rapport d’enquête provisoire de la commission Pitt sur le sujet).

 

Le pont sur le Don (Sheffield)

Mais il y a plus que ça, comme le montre cette PIG prise cet après-midi [coord.: 53°23’25.91″N / 1°28’31.92″O]. La scène se trouve à 100 mètres de chez moi, c’est un pont sur la rivière Don, qui fait une quinzaine de mètres de largeur à cet endroit. Plusieurs choses sont frappantes :

1. Le lit de la rivière est complètement encombré (notamment de débris de bois), ce qui empêche l’eau de circuler. Des atterrissements importants réduisent d’autant le chenal. Des arbres de haute venue avaient eu le temps de se développer dans le chenal (voir la taille des souches en bas à gauche).

2. Il y a à ce niveau une retenue d’eau industrielle (en anglais, ça se dit « weir »). Dans le centre de Sheffield, il y a quatre autres retenues similaires.

3. Une ancienne usine (« Alfred Beckett ») a été reconvertie en appartements de standing, avec vue sur la rivière.

De là, deux constatations :

1. Il y a un gros problème d’entretien de la rivière. Qui est normalement en charge de curer le cours d’eau et d’éviter ces atterrissements ? Très bonne question… sans réponse vraiment claire. Le Local Council ? L’Environment Agency ?

2. Pourquoi la retenue n’a-t-elle pas été enlevée, alors qu’elle ralentit l’eau et constitue un obstacle à sa circulation… ? A fortiori lors d’une opération de rénovation urbaine …

La réponse est nette : d’une part, la répartition des responsabilités sur la rivière définit aussi l’imputation des frais de curage (ou de suppression de la retenue). Tout le monde se refile la patate chaude, parce que personne n’a envie de payer. D’autre part, la retenue est d’origine industrielle, probablement liée aux installations hydrauliques de feu l’usine Alfred Beckett… Il y a donc fort à parier que les sédiments accumulés derrière la retenue sont bourrés jusqu’aux yeux de métaux lourds (nous sommes à Sheffield, capitale de la métallurgie) et que la prudence recommande d’éviter de remuer la vase toxique.

Pourtant, la rivière n’est pas seule en cause dans les inondations de juin 2007 : elle n’a pas vraiment débordé, comme le montre cette vidéo (la musique est un peu pénible, désolé). La ville a été inondée directement par la pluie parce que la rivière, coupée du reste de la ville par un corset de constructions à fleur de rive, ne joue plus son rôle d’exutoire naturel des précipitations. Une fois que l’eau est tombée, elle a stagné sans pouvoir s’évacuer. Le réseau de drainage artificiel est sous-dimensionné. On voit les conséquences du comblement systématique des vides urbains par la spéculation immobilière : il aurait bien mieux valu laisser des voies d’écoulement à l’eau qu’imperméabiliser systématiquement, colmater toutes les brèches urbaines et remplacer toutes les usines abandonnées par des constructions nouvelles.

 

Logements et commerces vides à côté de la rivière

Pour certains spéculateurs immobiliers, cette situation a tourné à la catastrophe : comment louer un appartement inondable, sachant qu’aucune assurance n’acceptera de l’assurer ? Tous les rez-de-chaussée avec vue sur la rivière sont vides quand les appartements sont en location, ou quand il s’agit de locaux commerciaux, comme ici [coord.: 53°23’25.91″N / 1°28’31.92″O]. Quand le propriétaire (pas très futé) l’habite, en revanche, il y a des rideaux aux fenêtres.
Et des briques sous la télé.

Attendu que l’exhaure de la mine de pechblende était défaillante…

On ne rend pas assez hommage aux Québécois. J’ai la plus grande sympathie pour ce pays, qui a la classe de mettre sur Internet un outil lexicologique spectaculaire, j’ai nommé le Grand dictionnaire terminologique, qui commence là où le Robert et Collins s’arrête (il faudrait d’ailleurs que le Robert et Collins s’arrête avant, en fait, parce que d’après les réactions que j’ai suscitées en utilisant des tournures pompées dans le dictionnaire, tout n’est pas à jour dans le gros livre bleu. Visiblement, certains jours, je parle comme une grand’mère de Cornouailles). Le GDT ne pose pas ces problèmes : c’est essentiellement un lexique trilingue à vocation technique. Il propose la traduction de termes techniques qui seraient autrement extrêmement difficiles à trouver. Je m’en sers quotidiennement. Par exemple, pour trouver la traduction en anglais de mots comme « considérants », « taux de coupure », « exhaure », « pechblende », ce genre de choses… La variété des domaines abordés est spectaculaire. Mais alors, pourquoi trilingue? Parce qu’outre le français et l’anglais, il y aussi le latin. Pour les noms de plante et d’animaux. Vous saviez, vous, que « caribou des bois » se dit « Rangifer tarandus caribou » en latin? J’ai aussi essayé pour les muscles du corps mais ça ne marche pas… Ca m’aurait intéressé de savoir dire « brachoradialis » en français ou « creux poplité » en latin. Dans la version 2.0, peut-être?

Machine à PIGs

Mon appareil numérique, un vénérable Canon Powershot A75, m’a lâché. Il a décidé de faire de toutes les photos des Jackson Pollock… Je suis donc en train de réfléchir à son remplaçant, ce qui ouvre un passionnant débat : quel est le meilleur appareil à PIGs ?
Répondre à la question suppose d’abord de repartir d’une définition de la PIG. J’admets que ma définition est floue, mais c’est un flou de bon aloi. Les formateurs de l’académie d’Orléans-Tours n’ont pas mes pudeurs de jeune fille et affirment que « l’image géographique montre un paysage dans un espace plus où moins vaste » (sic). OK, ami formateur. Disons que pour l’instant, c’est une définition heuristique. Je retiens que le paysage, plus ou moins ample, est un élément déterminant de l’image géographique. Donc, quelle est la meilleure manière de photographier un paysage ?

1. L’objectif

D’après mes lectures récentes, il faut utiliser un objectif « grand angle », qui possède un large champ de vision. Pour la PIG, un gros zoom phallique ne sera donc pas nécessaire : mieux vaudra un objectif qui permette de photographier une vaste portion du paysage sans distorsion excessive. On s’arrêtera donc, dans la course à la petite focale, avant les objectifs dits « fish eye » qui déforment les lignes droites. Et puis, une des caractéristiques les plus intéressantes de la photo numérique est la possibilité de créer, a posteriori, des panoramas (avec quelques problèmes d’harmonisation des couleurs sur lesquels je reviendrai dans un autre post). Cela serait bien plus difficile avec le produit d’un « fish eye », vu que rien ne serait droit… Bon, donc, objectif grand angle mais pas « fish eye ». Allons-y pour une focale minimale de 18 mm.

2. Le scénario de prise de vue

Deuxième aspect à considérer : le scénario de prise de vue. La PIG est-elle spontanée, prise « sur le vif » ou est-elle davantage une photo posée ? De cette considération découle un paramètre important : la taille de l’appareil. Si la PIG est improvisée, il faut se balader en permanence avec l’appareil autour du cou ou bien il faut qu’il soit suffisamment petit pour être glissé dans une poche pour en jaillir en cas de situation PIG-esque. Un peu comme un appareil photo intégré à un téléphone portable. Je soupçonne d’ailleurs certains enseignants fameux d’utiliser cette solution pour faire des photos sur le lieu de travail (ou DE leur lieu de travail)… Il me semble quand même que la PIG est davantage une photo « statique » qu’un cliché pris sur le vif. La PIG devrait rendre une certaine inertie de l’espace… donc, permet d’utiliser un appareil qui n’est pas tout petit (ce qui permet aussi d’avoir une meilleure qualité d’image et un vrai viseur). Donc ou un bridge ou un réflex numérique. Petit tour d’horizon… Les bridges sont un peu gadgétoïdes … Après lecture des commentaires de ceux qui savent, je retiens des réflex numériques d’entrée de gamme : Sony Alpha A200, Canon D400, Nikon D40x, Olympus E510 et Pentax K200D. Le gros avantage, c’est la possibilité de changer d’optique.

3. Mais où se situe la PIG ?

Troisième paramètre : les lieux de prise de vue. Si certains projets se concrétisent, je devrais cette année me retrouver dans des lieux passablement désertiques (moult poussière, sable, etc…) mais je n’oublie pas non plus que j’habite dans un endroit peu avare de précipitations. Je jette donc un œil sur les appareils « tropicalisés » (construits de manière à résister à des environnements moins amènes qu’une grande ville)…Et là, tout se dépeuple : dans une gamme de prix raisonnable, il n’en reste qu’un, le Pentax K200D. Canon et Nikon ont en outre le désavantage de n’être pas stabilisés (seules leurs optiques le sont, ce qui veut dire qu’elles ne sont pas données). Le petit Olympus a un facteur de conversion défavorable (ce qui veut dire qu’il est moins grand angle que les autres) et les optiques sont chères… Quant au Sony (qui est en fait un Minolta), l’objectif livré avec (18-70 mm) semble avoir mauvaise réputation.

Maintenant, la partie vraiment drôle : débarquer chez Jessops pour tenter de négocier le prix (£450) à la baisse… C’est ça aussi le bon côté des périodes de crise économique…

Unmistakeably German

Citroën lance ces jours ci en Angleterre sa nouvelle berline, la C5. La campagne de publicité convoque, en s’en moquant, l’imaginaire géographique lié aux voitures de qualité. Le slogan est imparable : « New Citroën C5. Unmistakeably German. Made in France.» La vidéo de la pub met en scène une espèce d’aristocrate en culotte de peau dans une Bavière suprakitsch (la seule entorse aux clichés géographiques, c’est que le gusse boit une grande pinte de LAIT avec ses Wurst, histoire de ne pas être accusé de drink and drive). Il n’a pas un regard pour la blonde serveuse Gudrun – il jette des œillades énamourées à sa voiture. La pub se termine bien sûr devant la porte de Brandebourg.

L’idée est originale : pas une seule personne en Angleterre ne peut ignorer que Citroën est as French as it gets. Dans l’automobile, les stéréotypes ont la vie dure et un des enjeux pour les marques généralistes est de parvenir à se hisser au niveau dit « premium », où leur réputation leur permettra de vendre leurs produits un rien plus cher. Exemples de marques « premium » ? Volvo, Alfa-Romeo et dans une moindre mesure, Volkswagen et Toyota. Plus on monte en gamme, plus l’effet premium est marqué. Structurellement, une Nissan Z et une Porsche Cayman ne sont pas très différentes. Mais l’une se vend aux environ de €35000 tandis que l’autre commence gentiment à €50000. Les marques allemandes sont par excellence des marques premium et en Angleterre, elles bénéficient d’un préjugé très favorable. Ca a des conséquences sur leur valeur en occasion (où les voitures françaises se décotent davantage et plus vite).

L’enjeu pour Citroën est de faire de sa berline une berline premium – flatteuse pour le client et rassurante pour les gestionnaires de flottes professionnelles (la voiture de fonction est beaucoup plus répandue en Angleterre qu’en France) et beaucoup plus profitable pour le constructeur. Une voiture ayant une bonne image n’aura pas besoin de remises pour se vendre. Le recours détourné aux clichés géographiques permet de développer un discours très économique, où « allemand » devient synonyme de « qualité ». Toyota s’était déjà essayé à la thématique « on dirait que c’est allemand » lors de la campagne de pub de la deuxième version de l’Avensis. Mais c’était pas humoristique du tout.

Les modes de communication autour des voitures restent plus étroitement liés aux caractéristiques culturelles des marchés que les véhicules eux-mêmes. Ce qui vaut pour les Anglais ne vaut pas partout du tout : sur d’autres marchés (Espagne par exemple), les spots de pub ne sont pas humoristiques et montrent la voiture en mouvement sur une musique virile mais correcte. La connotation attachée à français/allemand en matière de voitures n’y est pas la même. Je ne sais pas comment la voiture est vendue sur le marché français… Mais en gros, on serait tenté de dire que les projections des gens sur les voitures sont encore plus fortes que les préférences objectives, matérielles, en matière de véhicules.