Citroën lance ces jours ci en Angleterre sa nouvelle berline, la C5. La campagne de publicité convoque, en s’en moquant, l’imaginaire géographique lié aux voitures de qualité. Le slogan est imparable : « New Citroën C5. Unmistakeably German. Made in France.» La vidéo de la pub met en scène une espèce d’aristocrate en culotte de peau dans une Bavière suprakitsch (la seule entorse aux clichés géographiques, c’est que le gusse boit une grande pinte de LAIT avec ses Wurst, histoire de ne pas être accusé de drink and drive). Il n’a pas un regard pour la blonde serveuse Gudrun – il jette des œillades énamourées à sa voiture. La pub se termine bien sûr devant la porte de Brandebourg.
L’idée est originale : pas une seule personne en Angleterre ne peut ignorer que Citroën est as French as it gets. Dans l’automobile, les stéréotypes ont la vie dure et un des enjeux pour les marques généralistes est de parvenir à se hisser au niveau dit « premium », où leur réputation leur permettra de vendre leurs produits un rien plus cher. Exemples de marques « premium » ? Volvo, Alfa-Romeo et dans une moindre mesure, Volkswagen et Toyota. Plus on monte en gamme, plus l’effet premium est marqué. Structurellement, une Nissan Z et une Porsche Cayman ne sont pas très différentes. Mais l’une se vend aux environ de €35000 tandis que l’autre commence gentiment à €50000. Les marques allemandes sont par excellence des marques premium et en Angleterre, elles bénéficient d’un préjugé très favorable. Ca a des conséquences sur leur valeur en occasion (où les voitures françaises se décotent davantage et plus vite).
L’enjeu pour Citroën est de faire de sa berline une berline premium – flatteuse pour le client et rassurante pour les gestionnaires de flottes professionnelles (la voiture de fonction est beaucoup plus répandue en Angleterre qu’en France) et beaucoup plus profitable pour le constructeur. Une voiture ayant une bonne image n’aura pas besoin de remises pour se vendre. Le recours détourné aux clichés géographiques permet de développer un discours très économique, où « allemand » devient synonyme de « qualité ». Toyota s’était déjà essayé à la thématique « on dirait que c’est allemand » lors de la campagne de pub de la deuxième version de l’Avensis. Mais c’était pas humoristique du tout.
Les modes de communication autour des voitures restent plus étroitement liés aux caractéristiques culturelles des marchés que les véhicules eux-mêmes. Ce qui vaut pour les Anglais ne vaut pas partout du tout : sur d’autres marchés (Espagne par exemple), les spots de pub ne sont pas humoristiques et montrent la voiture en mouvement sur une musique virile mais correcte. La connotation attachée à français/allemand en matière de voitures n’y est pas la même. Je ne sais pas comment la voiture est vendue sur le marché français… Mais en gros, on serait tenté de dire que les projections des gens sur les voitures sont encore plus fortes que les préférences objectives, matérielles, en matière de véhicules.