La crise actuelle des matières premières passe un peu à l’arrière-plan, en ces moments de financial meltdown. Mon attention a cependant été retenue par cet article du Monde qui parlait des tensions sur le marché du lithium, où la tonne est passée en cinq ans de 350$ à 3000$, la faute au développement des usages énergétiques du métal (pour les batteries). On ne parle pas assez des ces ressources minières dont les modalités d’exploitation et surtout de commercialisation sont très peu connues. « Le marché est opaque », dit un bon connaisseur dans l’article. Ca me rappelle quelques autres matériaux, qui ne font pas l’objet de cotations officielles. L’uranium, par exemple, dont les prix sont fixés selon des modalités assez étranges (le prix « Spot » est fourni par deux sociétés privées qui rassemblent des infos sur les contrats signés, le prix « de long terme », bien inférieur, est défini dans les contrats bilatéraux d’approvisionnement de longue durée — jusqu’à 15 ans pour le contrat signé hier par Areva en Chine).
D’un point de vue géographique, le cas du lithium est un bon exemple du retour de la matérialité. Après une décennie de « simulacres », de cyber-trucs, de réalité virtuelle, materiality is back with a vengeance. Et on s’aperçoit que raisonner en termes géographiques sur des dispositifs matériels d’approvisionnement fait totalement sens, notamment quand les zones économiquement exploitables sont peu nombreuses. Pour conclure sur l’affaire du lithium, quelque chose m’a intrigué. Nulle part n’est fait référence à un autre usage du lithium, à savoir, son usage nucléaire. Il faut savoir en effet que le lithium 6 est considéré comme une matière nucléaire par la loi française de 1980, parce qu’il intervient dans la fabrication de certains produits (notamment les têtes nucléaires, si ma mémoire est bonne). Et surtout, il est nécessaire à la réalisation de la fusion nucléaire (poursuivie par le projet ITER, installé dans le sud de la France et dont on a beaucoup parlé il y a quelques temps). Je serais curieux de savoir si la disponibilité en lithium 6 a été considérée quand la décision a été prise de lancer le projet ITER. A moins qu’il y ait d’autres sources de lithium 6 que les mines dont il est fait mention dans l’article du Monde?