Je lis ce matin sur le blog de Sylvestre Huet un billet sur un projet de loi déposé par des députés UMP visant à créer des prêts étudiants garantis par l’Etat — ce qui permettrait, dans l’esprit du projet, aux universités d’augmenter leurs frais d’inscription et ainsi, de responsabiliser tout le monde, étudiants comme enseignants. Le système est inspiré de ce qui se fait en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni.
J’ai deux petits commentaires sur le fond, à partir de l’expérience britannique.
En Angleterre, l’argent est prêté PAR l’Etat britannique. Plafonné à £9700/an (3200 pour les frais d’inscription et environ 6500 pour les dépenses courantes), le prêt est remboursable à partir du moment où l’étudiant commence à gagner £15000 par an. Le taux d’intérêt sur le prêt est limité au taux d’inflation: c’est donc effectivement un prêt à taux zéro. Et le type qui rembourse le fait à hauteur de 9% de son revenu. Voilà pour le système. Mais je pose deux questions innocentes…
1. D’après l’organisme qui gère le système de prêts, l’encours de la dette des étudiants était de 21 milliards de livres en 2007-2008, soit 4 ans après le démarrage du système. Seuls 62% des gens avaient commencé à rembourser, et ce avant le déclenchement de la crise financière. Question: est-ce l’Etat « en faillite » (Fillon) qui va avancer cet argent, à taux zéro? La formulation ambiguë « prêt GARANTI PAR l’Etat » du projet de loi français laisse plutôt à penser que ce sont nos valeureuses banques qui vont faire les prêts… auquel cas, je me demande bien à quel taux. Plutôt que d’engraisser ainsi les banques (avec un risque 0 pour elles), ne vaudrait-il pas mieux donner aux universités les moyens de travailler directement, en les refinançant réellement? Pour avoir travaillé dans la système français, j’ai des souvenirs cuisants de la pénurie constante à laquelle nous devions faire face (« non, les photocopies, ce n’est pas possible pour le moment, on n’a plus d’argent pour le papier »).
2. Deuxième question innocente: depuis le début des années 2000, les universités britanniques ont été autorisées à augmenter leurs droits d’inscriptions jusqu’à un maximum annuel, fixé par l’Etat (aujourd’hui £3200). Le projet était d’enlever ce plafonnement en 2010 — et de voir en conséquence les frais s’envoler (on parle ici de plus de £10000/an pour les très grandes universités). Auquel cas, le montant des prêts d’Etat va s’envoler, sans nécessairement que cet argent soit bien employé (puisqu’il ne s’accompagne pas d’une obligation de réforme structurelle de l’organisation même des universités, ni d’un cahier des charges clair).
Ce projet semble avoir pour but de pressurer l’enseignement supérieur en lui imposant une « obligation implicite d’efficacité » (p.3 du projet), sans poser la question de la responsabilité des employeurs dans l’insertion professionnelle des étudiants, ni de la responsabilité de l’Etat dans le sous-financement ahurissant des universités françaises, qui se manifeste dans des locaux dégradés, des charges administratives démentielles pour le personnel enseignant et une désorganisation générale de l’institution.