Pénurie

La réflexion sur la pénurie et la rareté revient en force en ces temps économiques troublés… J’ai mis en ligne un article soumis à Géocarrefour sur la question de la pénurie en eau. Il est téléchargeable sur HAL et ne demande qu’à bénéficier des commentaires avertis des lecteurs de ce blog!

Nature and al.

Une petite semaine depuis le dernier billet et me voici de retour à Las Vegas en attendant de repartir demain pour l’Angleterre. Le plaisir de la découverte est passé et j’ai choisi de m’éloigner du Strip plein de visiteurs, de bruit et de fureur en ce week-end de Pâques. J’ai pris résidence downtown, où le public est différent, plus populaire, plus gros, plus mélangé. Hier soir, des hommes sandwich appellaient la foule à quitter le jeu pour revenir vers Jésus. Ce matin, alors que je buvais un café dehors (une rareté à Las Vegas), un type sans âge, en costume, peut-être ivre, est venu me saluer en m’expliquant être un ange.

A Las Vegas, les parcs naturels du sud de l’Utah que j’ai explorés en début de semaine semblent loin déjà. Je n’ai eu le temps, en posant trois jours de vacances, que de parcourir certains d’entre eux mais les paysages complètement cosmiques valaient bien les 1000 miles de trajet à travers le désert. L’usage qui est fait des parcs est étrange, dans la mesure où la conservation à l’américaine implique une mise en spectacle qui fait une large part à la voiture. Le parc d’Arches, un des plus fameux, pousse cette mise en automobile à un paroxysme et il est difficile de s’éloigner des foules pour profiter du paysage. Je me souviens avoir lu il y a quelques années un bon livre sur Yellowstone (« Playing God in Yellowstone ») par Alston Chase qui illustrait la tension extrême qui parcourait la régulation de la nature dans le parc. Jusque dans les années 1960-1970, les rangers distinguaient entre bonnes et mauvaises espèces pour justifier leurs pratiques de régulation de la faune. Dommage pour les loups, qui ont fait l’objet d’une destruction organisée jusqu’à leur extinction en 1935. Réintroduits depuis, les loups font partie comme en France d’un jeu complexe entre les acteurs sociaux pour déterminer la « Nature optimale », au milieu des incertitudes pesant sur le rôle des paramètres naturels et anthropiques dans l’évolution des écosystèmes. Plus récemment, Paul Robbins a conduit une analyse intéressante de la question de l’élan dans le nord du Yellowstone, « The politics of barstool biology », parue en 2006 dans Geoforum. Il montre que les divergences de vues qui s’expriment à propos des outils destinés à gérer la nature (et en particulier la population d’élans) ne suivent pas strictement des lignes de fracture entre environnementalistes et fonctionnalistes ou entre locaux et néoruraux, mais plutôt des lignes de classe entre prolétaires et bourgeois (si si).

 

 Je ne sais pas comment ces tensions s’expriment dans le cas des parcs du sud de l’Utah, où la contemplation des paysages compte davantage que l’observation de la faune sauvage. Mais plutôt qu’Arches, je recommanderais la visite du parc voisin et beaucoup moins fréquenté de Canyonlands où le regard est saisi par l’ampleur des paysages du haut plateau du Colorado.

7 ans après les Jeux, il neige encore

Les colibris ont disparu, laissant la place à d’épais flocons et à une cohorte de mormons. Il faut dire que je me trouve à Salt Lake City pile au moment de la convention annuelle de l’Eglise des Saints des Derniers Jours. Fidèles à leur réputation, les mormons sont d’une très grande gentillesse et il y a toujours une bonne âme pour tout vous expliquer, par exemple que SLC accueille ce week-end 60000 visiteurs attirés par la convention. Par curiosité, je suis allé voir les visitors’ centers de Temple square (le temple lui-même ne se visite pas). L’ordinateur qui promettait de tout me révéler sur mes origines familiales ne marchait pas. Il m’est revenu en tête que les mormons conduisaient une compilation de l’état-civil du monde entier. Les archivistes français les détestent, pour la bonne raison que tout généalogiste est une engeance démoniaque aux yeux des archivistes français. Ca m’aurait amusé de savoir si, comme le dit la doxa familiale, les Garcier viennent d’un village aujourd’hui noyé sous les eaux du barrage de Serre-Ponçon. C’aurait été encore une conflation étrange, Barcelonnette et Salt Lake City.

De dépit, je me suis rabattu sur les reconstitutions de scènes de la Bible et du Livre de Mormon, peuplées de mannequins. L’accoutrement des personnages américains était vraiment bizarre et il m’a fait penser, impie que je suis, à un épisode pilote de Xénia Princesse Rebelle. Pour les costumes et les visages (très caucasiens), parce que sinon, ni les femmes ni les Indiens n’ont de postes à responsabilité dans la geste mormone ou dans la politique actuelle de la LDS. L’aréopage des chefs (les douze apôtres et le triumvirat présidentiel) est très blanc, très mâle et très vieux. Comme au Vatican.

La ville elle-même est surprenante. Je suis resté dans le centre, pas très étendu, très propre, très vide. Des mendiants sans âge, tous blancs, demandent l’aumône sans grande conviction. Le site est magnifique et je me suis juré d’emmener la machine à PIGs lorsque je repasserai ici en fin de semaine, en espérant pouvoir capturer la lumière incroyable du coucher de soleil sur les montagnes enneigées qui entourent la ville.

Update: de retour à SLC, les flocons avaient disparu et la lumière blanche ne favorisait pas la photographie urbaine. Alors, je me suis contenté de faire une PIG du centre ville, montrant les bureaux vides à louer, la skyline assez modeste et la statue de « la ronde de la joie de la famille mormone ».