Une fois n’est pas coutume, ce petit billet évoquera des aspects de mon travail. Je reviens à l’instant de l’Université d’été de l’IHEST à la Saline Royale d’Arc et Senans, évènement sur lequel je travaille depuis plusieurs mois. Les échanges, sur le thème « Quelle place pour la science dans le débat public? », ont été très riches et certaines présentations m’ont ouvert des horizons. C’est le cas de celle de Daniel Sarewitz, sur « Science and the politics of climate change ».
Daniel, qui est le codirecteur du Consortium for Science, Policy and Outcomes à l’Université d’Etat d’Arizona et éditorialiste de Nature, a présenté un argumentaire serré – d’aucuns diraient « en béton armé ». En quelques mots : dans le domaine du changement climatique, une liaison de fait a été établie entre la science du climat (« ce que nous savons ») et les réponses politiques aptes à réduire les dangers que le changement climatique promet (« ce que nous avons à faire »). Ce que Daniel appelle « The Plan » consiste à dire qu’à partir du moment où les gens connaîtront les éléments scientifiques sur le climat, ils accepteront ou même appelleront de leurs vœux la réponse politique qui permettra d’éloigner les risques du changement climatique. Il y a deux problèmes à cette approche, selon Daniel. Le premier, c’est que « The Plan » ne marche pas : alors que la science du climat a fait des progrès considérables depuis 20 ans et qu’elle n’a jamais été autant communiquée, les pays développés n’ont pas réduit leurs émissions et les propositions politiques (le régime de Kyoto pour faire vite) suscitent des oppositions croissantes, notamment de la droite américaine. Mais le deuxième problème, c’est que pour « The Plan », la réponse politique semble univoque : l’adaptation des comportements individuels par la culpabilisation de la consommation. Or, et c’est le cœur du propos de Daniel et l’origine du Hartwell Paper sorti l’année dernière, cette action politique univoque, cette restriction des possibles a des conséquences négatives sur la légitimité de la science elle-même. Dans le même mouvement où on conteste la politique, voire même POUR contester la politique, on conteste la science à laquelle elle est si intimement liée.
Ce que suggère Daniel d’un point de vue pragmatique, c’est donc d’arrêter d’appuyer les politiques nécessaires de sobriété sur des justifications scientifiques et plus exactement, de disjoindre la science du climat et les politiques énergétiques.
D’un point de vue théorique, et en lien avec le thème de l’université d’été, ces propositions posent la question de la relation entre l’éducation, l’information et la modification des comportements : si l’information, la discussion, le débat sont impuissants à modifier les comportements, alors, à quoi sert-il de discuter ? Si les faits et les explications apportées par la science n’ont pas d’incidence concrète, ne contribuent pas à convaincre au point de modifier la situation, alors, pourquoi même parler de science ? La discussion est ouverte !