Bruxelles, l’atome, l’atomium

Dans le vaste amphithéâtre contemporain – du blanc, du gris, du verre, de petites touches de parme – de la DG Energie de la Commission Européenne, je suis assis parmi environ 200 personnes, un assemblage relativement homogène de cinquantenaires grisonnants, habillés en gris. Avec mon pull framboise et ma « coupe de Zlatan » comme disaient les lycéens des Rencontres Jeunes Sciences Citoyens du CNRS, je détonne un peu. Nous sommes là pour un symposium, « benefits and limitations of nuclear fission for a low-carbon economy ». En dehors de la salle de conférences, des piles et des piles de rapports, de brochures, de livrets, une information considérable, d’une valeur scientifique incertaine. Des pages noircies, des diagrammes complexes, des listes de choses, des bullet points à gogo. Pour pas grand’chose. Cette information profuse n’est pas un outil. Je ne sais pas à qui elle sert vraiment, quel est son public. C’est d’autant plus troublant que dans mon expérience, la production de discours, de doctrine, d’éléments de langage public à propos du nucléaire contribue à cadrer les questions posables, à dire a priori ce qui participe et ce qui ne participe pas au « nucléaire » comme catégorie de la pensée, domaine de la connaissance et champ d’intervention public. Que de fois n’a-t-on pas entendu « notre réponse à votre question est dans notre rapport d’activité/ dans cette brochure » ou de plus en plus « sur notre site web ». Si la réponse n’y est pas (comme c’est souvent le cas), cela veut dire que la question n’est pas posable. Autre remarque: parmi les chercheurs présents, la plupart des spécialistes de SHS sont des technico-économistes, qui ne font donc par définition pas de terrain. Et n’en voient en outre pas vraiment la pertinence.